Une anatomie du millésime 2022 en Provence
Une anatomie du millésime 2022 en Provence – Premières conclusions et quelques notes basées sur la dégustation des rosé “Portage Presse”, 2 Février 2022
Le millésime 2022 en Provence a presque été une bénédiction après 2021 impacté par le gel et le mildiou. Avec une hausse estimée en volume de 18% par rapport au millésime précédent et +6% rapportée à la moyenne des cinq dernières années, 2022 semble extrêmement prometteur. La dégustation d’environ 100 rosés à travers les Côtes de Provence, les Coteaux Varois en Provence et les Coteaux d’Aix en Provence tout en me plongeant dans mes notes de dégustation et conclusions de 2021 et 2020, m’a permis de dresser un premier tableau du millésime, en tout cas pour sa couleur phare.
Le débourrement retardé en 2022 (allant de fin mars à fin avril) par rapport à 2021 a permis d’éviter les attaques de gel qui se sont révélées si dommageables en 2021 et 2020. Les orages printaniers pendant le week-end de Pâques ont aidé à constituer des réserves d’eau après un hiver historiquement sec et ont laissé place à une période plus sèche pendant la floraison. Ainsi le cépage rouge le plus important de la région, le Grenache Noir a eu la chance d’échapper à la coulure, qui le défie la plupart des millésimes. La pression du mildiou était insignifiante par rapport à 2021 et la grêle a menacé à peine quelques secteurs à la fin du mois de juin.
Cependant, ce qui est venu ensuite avait été un véritable défi en soi. Le millésime 2022 a connu l’une des sécheresses les plus importantes depuis des décennies, doublée de trois à quatre vagues de chaleur. Malgré un débourrement tardif, la véraison a débuté à la mi-juillet et le millésime a commencé 10 à 15 jours plus tôt qu’en 2021, selon les différents secteurs avec les premiers raisins cueillis dès le 8 août ! Le salut est venu avec quelques précipitations en août, le seul mois de l’année à connaître des niveaux de précipitations plus élevés par rapport à 2021. Cela a également aidé à reconstruire un décalage thermique entre le jour et la nuit après des chaleurs à couper le souffle, autant diurnes et nocturnes au mois de juillet.
La maturation a été étonnamment uniforme, malgré un certain stress hydrique et des raisins parfaitement sains ont été cueillis avec une concentration incroyable. En ce qui concerne la couleur phare de cette région (le rosé représente 91% de la production), cela pourrait être néanmoins un vrai problème. La chute des acidités, l’accumulation de sucre et la menace de rater la fenêtre de récolte thiolée étaient parmi les menaces les plus importantes. La récolte au plus tôt le matin, sinon par temps de nuit semblait la seule solution pour préserver les arômes délicats et éviter les problèmes liés au stress hydrique.
Malgré ces défis, ceux qui ont choisi la voie réductrice ont techniquement réussi à obtenir des thiols bien définis. La menace de l´échec était telle, que certains ont poussé le courant un peu trop loin dans la zone des thiols, dans un millésime qui souffrait d’un certain manque d’azote. Certains échantillons se montrent légèrement réducteurs et offrent principalement des arômes de buis – 4MMP. Les meilleurs exemples combinent les thiols et leurs esters (3MH et leur forme a3MH). Dans certains cas, des caractéristiques amyliques apparaissent également. Cependant, comme mentionné pour 2021, cet itinéraire a déjà révélé ses limites et ses faiblesses. Les thiols ont beaucoup plus de résistance au développement et ont tendance à continuer à se transformer par des phénomènes d’hydrolase alors que les versions purement esters se fanent plus facilement.
Néanmoins, le plus grand défi était de relier le nez thiolé, frais à quelque chose de cohérent en bouche. Avec des niveaux d’alcool compris entre 13 et 13,5% vol. et des acidités diminuées, nous avons eu l’image inverse de 2021. Les vins de l’année dernière avaient tendance à exploser au nez avec des fruits confits en itinéraire fermentaire ou, au contraire, des thiols très aromatiques, le caractère pamplemousse/ pomélo avec certaines nuances exotiques sur fond hérbal. Cependant le palais apparaissait comme abrupt et linéaire, parfois manquant de texture, ce qui soulignait davantage la sensation herbacée.
Côtes de Provence
Les Sélections d´Astros « Amour » Ouvert, aux esters fruités, aux notes intenses de pêche. Net et intense, il offre chair et fraîcheur balancées, malgré une acidité modérée. La texture lisse tient sur une petite accroche zestée. Finale en longueur avec une pointe de sapidité.
Vignoble Jérôme Quiot Domaine de Verlaque « V de Provence » Teinte pâle, rose pomélo. Très expressif, aux arômes de confiserie tels le melon, la poire et la fraise, il se montre ample et riche, texturé. Une combinaison d’acidité légère et de suavité du toucher avec une légère extraction finale qui apporte une note zestée. Long et intense, il tient sur de jolis amers.
Bastide des deux lunes « Tout près des étoiles » De couleur pétale de rose, son nez mêle léger buis, fin herbal, melon et teinte de confiserie. Pierreux. Bouche lisse et ample avec une acidité modérée et une intensité du fruit mûr, un peu fermentaire, son alcool se montre quelque peu généreux. Le vin tient sur une petite structure phénolique, sa teinte lactée et le minéral pierreux sur la fin lui apporte une certaine complexité.
Cibonne Sélections « Cibonne Tentations » Très pâle, nacrée, il se montre discret, dans un style réducteur, entre pomélo et teinte pierreuse. Très frais, la texture est lisse et légère avec un fond sur fond zesté avec un alcool bien modéré. Finale sur les zestes, entre thiols de type agrumes et des nuances finement végétales, tout en longueur.
Château La Tour de l´Evêque « Pétale de rose » Rosé pâle, saumoné. Entre fruit rouge et pêche mûre, le vin se montre ample et riche d´entrée, avec une acidité légère se posant sur la texture soyeuse. Moins dans l´énergie, plutôt dans l´enrobage avec une légère extraction structurante sur la fin, son cœur de bouche offre la gourmandise du fruit mûr.
Châteaux Elie Sumeire Château Coussin « La Croix du Prieur » Rose pamplemousse pale, le nez montre nuances végétales et florales sur fond de petite réduction. D´acidité fraîche, dans les agrumes, il offre une légère rondeur en cœur de bouche, alors que la finale revient sur les zestes, les agrumes.
Clos des Roses « Dame de Cœur » Rose melon pâle, le nez intense, propose fraise et pêche. Rond et d´acidité fondue dans le toucher soyeux, sans générosité, son fruit intense sans lourdeur se recentre vers une finale sur le zeste et la pêche.
Château des Demoiselles Pétale de rose. Nez porté par les agrumes, entre des thiols proposant le pamplemousse et touche pierreuse. Frais, tonique, avec une acidité apportant l´impression de pomélo juteux, un vin bien équilibré, long et élégant dont la finale propose l´aromatique des zestes, sans amertume marquée.
Château Paquette Cuvée Bio Rose saumoné. Le nez offre la fraise avec une touche herbale. Souple, son petit perlant rehausse l´acidité tendre, donnant une sensation de fraîcheur, la texture lisse tient sur des jolis amers.
MIP Classic Rose pêche nacré, le nez oscille entre melon et buis hérbal. Avec une légère présence de CO2 son acidité moyenne se montre de ressenti plus frais sur fond d´agrumes, très pomelo. L´alcool est bien intégré, la finale se trouve rehaussée par une pointe épicée, par de jolis amers.
Domaine Fontainebleau en Provence Château Fontainebleau Rosé pêche nacré. Fruit à chair claire aux nuances légères d´esters. Ample, d´acidité souple et cœur riche, texturé, sa finale offre l´intensité du fruit, entre pêche et melon.
Château Vert Cuvée « Château Vert » Saumoné pâle. Il mêle buis, pomélo sur fond pierreux. L´acidité présente et salivante se tonifie par un léger perlant, bon équilibre entre la texture lisse et la finale zestée, mais pas amère.
Château Angueiroun « Réserve » Rosé pêche clair. Sur la retenue, la petite réduction laisse entrevoir á l´aération le fruit à chair claire, une teinte hérbale. Mise en bouche ample et lisse, le vin se montre juteux et frais, dans les agrumes, très zesté sur la fin avec une légère touche d´amertume.
Château Jas d´Esclans Rosé orangé, assez marqué, son fruit mûr à chair claire oscille entre pêche et abricot. De palais ample, texture lisse et acidité fondue, la petite mâche sur la fin ainsi qu´une pointe un peu généreuse lui apportent du sérieux enrobé par une touche lactée, du gras, de la rondeur.
Château Mirabeau en Provence « Etoile » Rose nacré, le nez délicat entre floral et esters légers, aux notes de pêche. D´acidité modérée au grain texturé, il se montre quelque peu structurant sur la fin.
Domaine de la Navicelle « La Navicelle » Pâle, pétale de rose. Nez marqué par l´itinéraire thiol, entre buis et pomélo, avec un palais vif et tonique. Sa texture légère et sa finale zestée le proposent net et intense.
Coteaux d´Aix en Provence
Les Coteaux d’Aix en Provence semblaient plus hétéroclites dans leur grande variété de styles allant des plus réducteurs et purement thiolés aux différents stades du compromis thiols/ esters et jusqu’aux styles plus confiseurs, amyliques. Ils offrent des palais plus riches et plus stratifiés que d’habitude. Selon les secteurs et stylistiques, les acidités varient de pondérées à plus soutenues, bien qu´en général le ressenti reste frais, notamment quant aux vins en itinéraire réducteur.
« Une année sans maladie, de beaux raisins, de belles maturités… On a vécu des vendanges de rêve ! Les vendanges ont toutefois été marquées à la fois par leur précocité, avec un démarrage des opérations de récolte le 6 août (le record de 2003 a ainsi été égalé) et par leur longueur puisqu’elles ont duré jusqu’à la fin du mois de septembre. Quant aux volumes, ils sont bons avec des estimations qui, à date, oscillent entre 225 000 et 230 000 hectolitres, ce qui les situe à des niveaux qui tendent à devenir la nouvelle moyenne de l’appellation. » Olivier Nasles, Président du Syndicat des Vins Coteaux d’Aix-en-Provence
Château Calissane « Calisson de Calissane » Rosé saumoné, olfactif entre pêche et touche d´agrumes, il se révèle plutôt dans un esprit esters fruités que thiolé, sur fond floral. Attaque soyeuse, fraîcheur soutenue, grain de texture de légère accroche par les zestes, un vin plaisant avec une finale quelque peu épicée, poivrée, aux zestes de pomélo.
Château Vignelaure Rose pâle saumoné. Délicat aux notes de fleur et de groseille, sur fond pêche de vigne. Ample, d´acidité modérée et d´esprit légèrement généreux, il se recentre sur les épices, rehaussé par de jolis amers en finale, pour rebondir sur la pêche avec une touche exotique.
Château La Coste Rose melon. Nez exotique, entre fruit de la passion et nectarine, sur fond floral. Son léger perlant tonifie l´acidité, son fruit acidulé se rehausse d´épices, sur fond d´agrumes. Généreux, épicé et zesté.
Commanderie de Bargemone « Cuvée Collection » Rose litchi nacré, il offre un joli compromis entre les thiols de types agrumes et quelques esters fermentaires. Notes de poire, anis viennent en toile de fond. Souple, son petit filet de CO2 souligne la fraîcheur, le cœur se montre très juteux et zesté, d´alcool modéré. Entre sensations de texture et finale centrée sur le zeste épicé.
Château Paradis Rose groseille pâle. Le nez annonce d’entrée un itinéraire en thiol réducteur, pierreux, aux accents de pamplemousse. Vif et centré sur les agrumes, le pomélo, la fraîcheur zestée, ses quelques phénoliques, l´alcool modéré et finale sur les amers lui donne une certaine linéarité.
Hecht& Bannier Rose melon nacré. Nez délicat proposant pomélo et note de poire à l´anis. L´attaque est souple, finement perlante avec une fraîcheur présente malgré l´acidité modérée et un alcool pondéré, la finale rebondit sur le zeste. Très pamplemousse et d´esprit épicé.
Les Quatre tours « Vilandria » Pâle nacré, au nez encore fermentaire sur fond de thiols exotiques il fait parler le fruit de la passion, nuances tropicales, le floral fin. La bouche est délicate, lisse, soyeuse avec une acidité l’animant vers la finale portée par la peau d´agrumes. D´alcool modéré, apportant juste une touche d´épices, sa longueur se prolonge sur le poivre et les zestes.
Maison Saint Aix « AIX » Robe pétale de rose, de style réducteur, ses thiols expriment les agrumes, accompagnés par une touche de fruit à chair claire, sur fond floral. Joli grain en bouche, l´acidité est présente et balancée, avec une finale structurante et une certaine générosité. Long et poivré.
Coteaux Varois en Provence
Les Coteaux Varois en Provence ont bénéficié de l’effet d’altitude et les vins montrent de la fraîcheur malgré des acidités modérées et des palais un peu plus généreux, avec un alcool plus élevé que d´habitude. Comme ailleurs en Provence, le secteur a également profité de la dérogation pour l’irrigation sur près de 20% de la superficie. Cependant, l’acceptation est arrivée un peu tard, au début du mois de juin. L’une des principales menaces fut la chute de l’acide malique car les températures dépassaient constamment 30 ° C. Les épisodes orageux du 15 et 30 août ont revigoré les baies, l’eau salvatrice rétablissant l’équilibre et la quantité. Le danger le plus important vint l’épisode de grêle du 2 septembre qui toucha les villages de Saint Maximin, Le Val, Brignoles, et surtout Bras. Les vendanges se sont étendues du 5 septembre au 10 octobre, profitant de l’important décalage thermique jour/nuit avec des nuits particulièrement fraîches en septembre, ce qui n’était pas le cas partout en Provence, certains secteurs enregistraient encore 30°C à la mi-septembre.
Estandon « Générations » Rose melon. Très marqué thiol, mêlant buis, fruit de la passion, pamplemousse. Direct et vif par son dynamisme évoquant les agrumes, le pamplemousse et d´alcool digest, sa texture lisse se contrebalance par la finale sur les amers avec une touche de fruit de la passion.
Domaine de Cala « Prestige » Rose melon nacré. Nez réducteur, rappelant l´allumette, le toasté. Ample, d´acidité assez fondue et au cœur généreux, sa finale tient sur une structure phénolique apportée par l´élevage. Du grain et de la texture, retro- olfaction sur les zestes et le minéral pierreux.
Domaine de Saint Andrieu « Oratoire Saint Andrieu » Rose melon nacré. Le nez assume d´entrée son itinéraire thiolé, avec ses nuances de buis qui complètent les agrumes. Frais et souligné par un léger perlant, son acidité semble soutenue, l´alcool modéré, et la finale zesté. Juteux et bien défini, sans phénoliques, un joli vin.
Château des Annibals « Suivez-moi jeune homme » Rose sablé, il entremêle nuances herbales, pêche blanche et pamplemousse, sur fond pierreux. Sec et suave, délicat de facture fraîche il est juteux, plutôt dans les agrumes. Epicé et poivré, l´accroche structurante lui donne du relief, sa pointe de sapidité apporte une finale savoureuse.
Château Marguï Rose sablé aux reflets or blanc. Le nez offre un joli compromis entre les nuances d’agrumes tels le pomélo juteux et la pêche de vigne. Souple, nuancé de touches de fruits en gelée. La bouche propose d’entrée un joli grain texturé ou la fraîcheur pondérée se montre d’un esprit revigorant. L´alcool digeste est bien intégré, la finale propose un retour salivant sur le pomélo, les zestes, des touches aromatiques se relevant doucement exotiques, tout en longueur.
Domaine de la Gayole « La Chapelle » Pâle nacrée, bon compromis thiol/ester, offrant des notes de buis et pêche, sur fond de melon et de poire. Bouche ample avec une sensation de richesse texturale aux teintes épicées. Son acidité fondue est soutenue par les zestes, les petits amers, la finale rebondit sur le poivre donnant un contraste qui relève l´ensemble.
Cave Saint André Passion Couleur rose groseille pâle. Nez intense, sur le petit fruit rouge, aux teintes de confiserie, de bonbons. Avec une pointe tendre dès la mise en bouche, son acidité souple s’équilibre avec une touche acidulée. La richesse de l´alcool est quelque peu soutenue, sans chaleur, dans la texture cependant contrebalancée par la finale tenue par les zestes.
Bastide de Blacailloux « Miraia » Rose melon pâle, sablé. Nez réducteur, thiolé, nuancé d’esters fruités en toile de fond avec une touche fermentaire évoquant le melon. Avec une pointe tendre dans la texture, son acidité est modérée, cependant avec un caractère animé guidé par les agrumes, les zestes. L´alcool reste un peu généreux, la finale se montre zestée aux petits amers pour équilibrer l´ensemble.
Domaine de Ramatuelle « Bienfait de Dieu » Rose pêche nacrée. Les nuancés thiolées – buis, pomélo s’entremêlent au fruité de la poire. Palais net et lisse, d´acidité moyenne mais avec un sentiment de fraîcheur, le vin se montre soyeux, zesté, offrant l’énergie du pomélo sur la fin.